Au programme il était annoncé : face NE de la Lenzspitze, avec traversée sur le Nadelhorn, puis redescente par la voie normale. Une belle mise en jambe pour débuter cette saison d’alpinisme estival. Au moins, les 4 participants que nous sommes étions prévenus de ce qui nous attendait : 500m de face neigeuse dans une pente oscillant entre 45 et 55°. Cette année les conditions pour ce type de course sont particulièrement excellentes, dûes à un enneigement abondant cet hiver. Nous n’étions visiblement pas les seuls à faire ce constat, au vu du nombre de cordées prétendantes au même objectif ce week-end là.

Au programme de la météo il était également annoncé : vent fort en montagne de secteur nord-nord-ouest. Autant dire qu’à 4000m la pause pic-nic ne durerait pas.

Nous nous retrouvons donc le samedi 23 juin 2018 en fin de matinée à Saas-Fee, au milieu de l’immense parking. C’est pour moi un exploit personnel que d’avoir fait confiance à ma vieille Citroën C3 pour conduire 3 d’entre nous jusque là… blague à part la montée sous le cagnard jusqu’à la Mischabelhütte aura le mérite de nous mettre directement dans l’ambiance de la course : c’est raide, ça monte droit en haut, sans zig-zags, et ça finit par une via ferrata sur une arête où il est préférable de garder le pied sûr. 1500m plus haut nous voici à 3200m bien au chaud à la cabane. L’altitude se fait sentir et mieux vaut se tenir tranquille pour optimiser l’acclimatation. Michaël nous le confirmera le lendemain…

Les 3 hommes de l’équipe s’aventurent un bout sur le chemin en repérage des conditions dans la face Ne de la Lenzspitze, tandis que je préfère l’appel de la sieste dans les dortoirs encore tranquilles. Apparemment rien ne laisse penser que le but initial de la course ne pourra pas être atteint. C’est donc tous guillerets que nous dégustons le souper en compagnie de charmants compagnons de cabane avant d’aller chercher un repos bien espéré, jusqu’à ce Michaël fasse l’expérience des premiers signes de mal des montagnes…un manque d’acclimatation peut vite tourner au calvaire et souvent la seule solution consiste à redescendre en plaine.

Malgré l’état peu propice de Mica à une course de haute montagne nous décidons tout de même de nous lancer à la lueur des frontale à l’assuaut des sommets. Il est 2h45. Rapidement nous arrivons en vue de la face et déjà ien des cordées s’y trouvent, certaines ont progressé rapidement, et d’après nous les premiers qui rejoignent bientôt le sommet de la Lenzspitze doivent être partis vraiment tôt.

La décision est prise qu’au vu du nombre de cordées déjà engagées dans la face + l’état de faiblesse de Mica + le vent fort qui nous attend sur l’arête = trop de risques. Nous nous orientons donc vers le plan B : face N du Hohberghorn, tout aussi inclinée que la Lenzspitze, mais plus courte. Un objectif réaliste, mais qui à notre surprise sera revu : la face a dévalé en avalanche. Il nous reste alors la face N du Stecknadelhorn, qui elle semble tout à fait faisable. Celle-ci se révèle en très bonnes conditions, et les premiers rayons de soleil nous réchauffent alors que nous atteignons le sommet du Stecknadelhorn.

Une courte traversée de l’arête neigeuse nous mêne au sommet du Nadelhorn où il souffle un vent glaçial et d’où nous découvrons le drame qui s’est joué sur l’arête entre la Lenzspitze et le Nadelhorn. Une cordée vient de chuter du milieu de l’arête et s’est immobilisée sous la rimaye 500m plus bas. 2 morts de plus, 2 semaines après un premier week-end meurtrier sur la Lenzspitze, lors duquel 2 autres personnes avaient accidentellement trouvé la mort.

Notre descente à nous se passe dans le calme et pour ma part reste silencieuse. Il est difficile de ne pas rester indifférent lorsqu’un accident vient de se produire, et on se remet en question soi-même : à quel point accepte-t-ton le risque lorsqu’on part en montagne ? Est-on toujours aussi bien préparé (physiquement, mentalement) que ce qu’on pense ?

Nous sommes rapidement de retour à la cabane, et ne tardons pas à redescendre dans la vallée.

Présents ce week-end : Olivier Duvanel (chef de course), Michaël Schear, Joab Di Francesco, Cécile Breitenmoser (scribe).